Je regarde le ciel. Il est bleu. Limpide. Enfin, c'est ce qu'on a l'impression. Il est bleu parce que nous le voyons comme ça. Il est bleu parce qu'on a définit le bleu comme ça, parce qu'on a définit cette couleur. Parce qu'on a besoin de le définir. On a besoin de donner une définition à toutes choses. Je crois que les hommes ont du mal à avouer leurs limites. Leur ignorance. Leur impuissance. Je crois qu'ils ont besoin de tout savoir, de donner une explication rationnelle et logique à tout. Ils ont besoin de définir. A chacun sa logique, sa rationalité. Un athée n'a pas la même rationalité qu'un croyant. Tout comme les différents croyants entre eux n'ont pas la même rationalité.
Quand à moi, je pense avoir une logique et une rationalité différente à ces deux sous-types de la branche humaine... Je me demande si j'ai au moins une once de ces deux-là qui pourrait me classer... Si je n'appartiens ni aux croyants, ni aux athées, est-ce que ça signifie que je n'appartiens pas aux humains? ...
Absurde, nan? ... Mais quoi que je soit, j'ai les caractéristiques d'un humain. Enfin, physiques. J'ai des cheveux, j'ai des yeux, un nez, une bouche, un cou, une poitrine, des hanches, des mains, dix doigts répartis équitablement sur ces dernières, idem pour les pieds. Mais quand je me regarde dans le miroir, je ne vois pas ça. Je ne sais pas ce que les autres voient de moi. Mais la plupart du temps, ils sont indifférents. Enfin, ils ne réagissent pas d'une manière excessive et/ou apeurée. C'est pour cela que je pense correspondre aux critères humains.
Une pensée me vient. Je le précise, car je pense qu'il est nécessaire de savoir que je pense. C'est humain, ça aussi, la pensée. Ça m'arrive. Et loin de moi l'idée de nier que c'est un fait rare. Enfin, tout le monde pense, et je suis rassurée de faire partie de ce "tout le monde". Au moins, ni les athées ni les croyants ne se démarquent de cette manière. Ça m'arrive de me sentir au-dessus de tout et de tous. Ou bien en-dessous. Ça dépend de la journée que j'ai passé.
Je suis parcourue de l'idée de changer d'air. J'ai suffisamment respiré tout l'air qu'il y a chez moi pour ne plus le trouver vivifiant. Revigorant. Dépaysant. J'ai suffisamment vu toutes les personnes qu'il y a à voir chez moi pour ne plus faire de nouvelles rencontres surprenantes. Étranges. Agréables. J'en ai suffisamment embrassées pour me lasser des flirts d'ici. Goût trop amer. Morsure trop douce. Caresses trop sucrées. J'empreinte suffisamment ce bus pour trouver le trajet monotone. Long. Ennuyeux. Je me lève suffisamment tôt pour respecter mon emploi du temps scolaire pour qu'il me lasse. M'agace. M'exaspère.
Ce n'est qu'un caprice d'enfant gâtée. Mais j'ai besoin de choses nouvelles. Avide de nouveauté. Gourmande d'un nouveau ciel. Envie de nouvelles personnes. Besoin d'être dépaysée. Je pars facilement, car je m'attache difficilement. Les lieux ne représentent rien pour moi, beaux ou pas, ce n'est pas ce qui m'importe. Ils ne me marquent que si j'ai vécu des expériences vraiment fortes avec les gens auxquels je suis vraiment attachée. En outre, je pars, car rien ne me retiens pour l'instant.
On se plains que je ne sois pas cernable, mais à qui la faute? Je ne suis pas malléable. Je ne suis pas une petite poupée de chiffon, comme on en trouve à excès, fragile, possédant le besoin d'être réconfortée et d'être guidée. Je ne veux pas qu'on me fasse ouvrir les yeux. Je sais le faire toute seule. Mes yeux sont les miens. Je ne suis pas là pour toi, ou pour vous. Je ne fais pas ça parce que ça peu avoir un impact positif sur mon image. Je fais ça parce que je le veux.
J'ai de bonnes notes, je ne me fais remarquer par personne. Je reste sage. Si il se passe quelque chose, je ne suis jamais concernée... officiellement. Il faut bien que je m'amuse, de temps en temps. Élève presque modèle, d'après ce que mes professeurs me disent. J'essaie d'apparaître dans la tranche de la normalité, mais il semble qu'intellectuellement, je sois légèrement au-dessus. Mes résultats m'importent clairement peu, mais ce n'est pas de l'avis de tout le monde, alors je les utilise pour obtenir ce que je veux. Alors mes caprices sont mis à exécution, et tant qu'ils sont exaucés, tout va bien.
Et ce que je veux, c'est changer d'air. Alors ce pensionnat, ouvert depuis peu, m'intrigue. Il fait la guerre à un autre pensionnat. Ça peut être divertissant. Même si cela signifie que je sois un pion dans cette petite guerre puérile entre deux propriétaires. Mais je ne sais pas ce qui s'est passé. Et ça m'importe vraiment peu, tant que cela peut m'amuser. Me changer d'air. Me dépayser.